pi gruis vltiLa surface bouillonnante d’une étoile géante a été observée par une équipe internationale d’astrophysiciens impliquant des chercheurs du Laboratoire Lagrange (CNRS-UNS-OCA). Ce travail a été publié dans la prestigieuse revue Nature… mais... Pour quoi fait-on tant de cas de l’observation d’une étoile qui bouillonne ?

Des étoiles bouillonnantes, on en connaît déjà ! Enfin, on peut dire plutôt qu’on en connaît bien une … Mais avec Pi Gruis, on est arrivé à la forêt des géants !

En effet, depuis 1861 on sait que notre Soleil présente à sa superficie des petits motifs, qui bougent comme la surface d’une potion magique qui cuirait dans une marmite. Ces granulosités, appelées cellules de convection, constituent la partie de l’intérieur solaire nommée « zone convective ». Le gaz présent dans cette zone se réchauffe et monte à la surface du Soleil où il se refroidit et redescend à nouveau en formant ces structures, exactement de la même façon que notre potion magique fait des petites bulles dans sa marmite. Cette zone de convection est la plus externe des couches présentes à l’intérieur des étoiles comme le Soleil. Si on se déplace vers le centre de l’étoile, on trouvera la « zone radiative » et encore plus au centre le noyau, où se produisent les réactions nucléaires.

Les couches internes du Soleil

Zones de l’intérieur solaire. Crédit: Wikipedia Commons/kelvinsong

 

Mais si on connaît déjà bien ces cellules d’apparence « minuscule » du Soleil (qui font en réalité une taille d’environ 1000 km de diamètre chacune !), pourquoi s’affoler autour de l’observation d’une étoile de plus qui présente aussi des cellules de ce type ?

Et bien, déjà parce que jusqu’à présent la résolution des télescopes, c’est-à-dire, notre capacité à distinguer des détails, ne nous permettait pas d’avoir une image de la surface d’une étoile autre que le Soleil. En effet, toutes les autres étoiles sont tellement loin de nous qu’elles apparaissent comme des points, même aux yeux des plus puissants télescopes ! Les astronomes ont dû avoir recours à des astuces de la physique pour arriver à manipuler la lumière. Nous utilisons plusieurs télescopes en même temps pour combiner la lumière et simuler un télescope géant. Cette combinaison de lumière nous permet d’avoir la résolution qu’aurait un télescope d’une taille équivalente à la distance qui sépare les deux télescopes les plus éloignés parmi ceux utilisés. Cela nous permet de distinguer beaucoup plus de détails qu’en utilisant un télescope unique. Cette technique s’appelle l’interférométrie et elle a permis à cette équipe d’observer pour la première fois la surface de Pi Gruis.

 Mais pourquoi Pi Gruis ?

Et si on parlait de nous, pour changer ? Oui, même si Pi Gruis est à une distance de 570 années-lumière (petite parenthèse, la lumière qui nous arrive aujourd’hui est partie de l’étoile à l’époque de la Renaissance), elle nous ramène à la vie sur Terre et à notre composition.

En effet, l’intérieur des étoiles est le moyen le plus efficace qui existe dans l’Univers de transformer l’hydrogène qui le composait initialement en atomes tels que nous les retrouvons dans notre organisme aujourd’hui. Une fois cette transformation faite, il faut que les étoiles libèrent cette matière pour qu’elle puisse faire partie des nouvelles générations d’étoiles… de planètes… et d’êtres vivants ! Cette éjection est faite dans la phase évolutive dans laquelle on trouve Pi Gruis. C’est la même étape que le Soleil traversera dans environ 4,5 milliards d’années.

Le futur du Soleil… l’étoile va exploser alors ?

Et bien, non ! Les étoiles comme le Soleil ou Pi Gruis n’explosent pas à la fin de leur vie. Elles vivent une vie assez paisible et finissent en forme de naines blanches, après avoir expulsé leurs couches les plus externes.
C’est justement par les processus dynamiques qui ont lieu dans la phase où Pi Gruis se trouve, appelée « Branche asymptotique des géantes » que la matière produite à l’intérieur de l’étoile sera expulsée. Pi Gruis est actuellement une étoile froide (3500 K) et énorme (environ 350 fois le diamètre du Soleil). Si elle se trouvait à la place de notre Soleil, sa surface s’étendrait jusqu’à l’orbite de Mars ! Elle a tellement grandi sans augmenter sa masse que la gravité qu’on trouve dans sa surface est environ 70 000 fois plus petite que celle à la surface du Soleil. Cette petite gravité implique qu’il est devenu beaucoup plus facile pour la matière qui arrive à la surface de l’étoile de s’échapper et d’être libérée. De plus, le mouvement de convection amène le gaz de l’intérieur vers la surface, ce qui favorise cette éjection de matière vers l’espace interstellaire. La matière sera prête à recommencer un nouveau cycle en formant une nouvelle étoile et éventuellement des planètes et des êtres vivants. Ce n’est pas une nouveauté de dire que nous sommes tous des poussières d’étoiles…

Qu’est-ce qu’on a découvert, alors ?

Pour l’instant les caractéristiques des bulles produites dans une étoile géante avaient été prédites mais jamais observées avec cette précision. Voici une vidéo d’une de ces simulations numériques :

 

Simulation de la convection dans une étoile de la branche asymptotique des géantes (Freitag et al. 2017, A&A).

L’observation qui confirmerait ou réfuterait la théorie prédisant d’énormes cellules de convection faisant chacune 30% du diamètre de ces étoiles géantes était attendue avec une légère appréhension de la part des théoriciens qui étaient confrontés au test grandeur nature de leurs prédictions. Mais le happy end s’est produit avec l’observation de la surface de Pi Gruis, où ces cellules de convection, qui ont un diamètre de presque la distance Venus-Soleil sont clairement observées !

 Image de Pi Gruis par le VLT

 Image de l'étoile Pi Gruis observée avec le VLTI (Paladini et al. 2018, Nature, 553)

 

Le communiqué de presse.

Le lien à l'article scientifique : "Large granulation cells on the surface of the giant star π Gruis" Paladini et al. 2018, Nature, 553

Pour toute information complémentaire ou diffusion de cet article, contactez les auteurs : Olga Suarez - olga.suarez@oca.eu ; Andrea Chiavassa - andrea.chiavassa@oca.eu