La surface bouillonnante d’une étoile géante a été observée par une équipe internationale d’astrophysiciens internationale impliquant des chercheurs du Laboratoire Lagrange (CNRS/OCA/UCA) et de l’IPAG (OSUG, CNRS/Université Grenoble Alpes). L’étoile Pi Gruis, avec un rayon 640 fois plus grand que celui du Soleil, a révélé d’énormes cellules de convection à sa surface, similaires à celles que l’on trouve sur le Soleil mais soixante mille fois plus grandes. Ce travail est publié dans la revue Nature du 20 décembre 2017 (1).
Cette équipe a utilisé l’instrument PIONIER (2) équipant le Very Large Telescope Interferometer (VLTI) de l’Observatoire Européen Austral (ESO) au Chili, pour étudier la surface de l’étoile. L’interférométrie est une technique qui permet de combiner la lumière de plusieurs télescopes simultanément afin d’obtenir un plus grand pouvoir de résolution angulaire, c’est-à-dire de distinguer des détails très proches sur le ciel. Grâce à cette technique, l’équipe a pu reconstruire l’image de la surface de l’étoile et observer ainsi les cellules de convection. Elles sont dues au flux de chaleur transportée par la matière qui monte de l’intérieur vers la surface de l’étoile, de la même manière que les bulles formées par l’eau bouillante dans une casserole. La prouesse technique que cette observation représente est équivalente à celle qui consisterait à observer les motifs gravés sur une pièce de 1 euro placée à une distance de 230 000 km, soit un peu plus de la moitié de la distance Terre – Lune (3) !
Fig. 1. Image de Pi Gruis obtenue dans l’infrarouge à la longueur d’onde de 1.625 micromètre par les 4 télescopes auxiliaires du VLTI (ESO – Chili) avec l’instrument PIONIER.
L’étoile Pi Gruis est située dans la constellation australe de la Grue, à une distance de 530 années-lumière. C’est une étoile de masse à peine plus élevée que le Soleil arrivée presqu’au terme de son évolution. A ce moment, la taille de l’étoile est colossale, au point que si elle était au centre de notre système solaire, l’étoile Pi Gruis engloberait l’orbite de la planète Mars. C’est ce qui risque également de se produire pour le Soleil dans 4,5 milliards d’années environ. Si comme prévu, le Soleil suit les traces de Pi Gruis, les 2 millions de cellules de convection (aussi appelées « grains de riz ») d’une taille de ~2000 km qu’il présente actuellement sur sa surface se transformeront en quelques structures géantes comme celles qui viennent d’être découvertes. Chaque cellule de convection de Pi Gruis atteigne une taille de 120 millions de km, soit environ 100 fois le diamètre du Soleil !
Cette image de la surface d’une étoile - la plus détaillée obtenue à ce jour - révèle qu’une cellule de convection occupe presque 30% de la surface de l’étoile. Ces propriétés valident les modèles actuels décrivant les flux de matière dans les couches les plus externes des étoiles dans ces phases ultimes de leur évolution.
(1) Large granulation cells on the surface of the giant star π1 Gruis, Paladini et al., Nature, 20 décembre 2017
(2) PIONIER est un instrument conçu et réalisé à l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble. Il a été le premier instrument capable de combiner interférométriquement quatre télescopes du Very Large Telescope Interferometer afin de reconstituer des images de la surface ou de l’environnement des étoiles. Sa réalisation a été financée par les pôles recherches de l'Université Joseph Fourier (aujourd’hui Université Grenoble Alpes), l’IPAG, l’Agence Nationale pour la Recherche (programmes ANR: 2G-VLTI, EXOZODI) ainsi que les programmes nationaux de physique stellaire (PNPS) et de planétologie (PNP) de l’Institut National des Sciences de l’Univers. Le circuit de recombinaison photonique au coeur de l’instrument est le résultat d’une collaboration entre l’IPAG et le CEA-LETI financé par l’ANR (projet 2G-VLTI) et le programme de recherche et technologie du Centre National d’Etudes Spatiales
(3) Le diamètre apparent de l’étoile Pi Gruis sur le ciel est de 2 centièmes de secondes d’arc, soit 1/90 000 de la taille de la Pleine Lune !
Référence
« Large granulation cells on the surface of the giant star π1 Gruis », 20 décembre 2017, Nature.
Contacts :
Andrea Chiavassa (Lagrange – OCA/CNRS/UCA) – andrea.chiavassa@oca.eu – 04 92 00 30 27
Jean-Philippe Berger (IPAG - OSUG, CNRS/Université Grenoble Alpes) - bergejea@univ-grenoble-alpes.fr – 04 76 63 57 99