La mission DART de la NASA a effectué le 27 septembre 2022 à 1 h 14 du matin heure française le premier test de déviation d’un astéroïde en utilisant la méthode appelée impact cinétique. La sonde DART de 580 kg est rentrée en collision à 6,1 km/s avec la petite lune de 150 mètres de diamètre, appelée Dimorphos, de l’astéroïde double Didymos. L’impact a réduit la période orbitale de la lune autour de son corps principale, initialement de 11 h 55 mn, de 33 minutes. La sonde Hera de l’Agence Spatiale Européenne sera lancée le 7 octobre 2024 par un lanceur Falcon 9 de la compagnie Space X pour rendre visite à Didymos et mesurer en détail le résultat de cet impact et ainsi documenter et mesurer l’efficacité de ce premier test de déviation.

La première question qui se pose est : quelle est la taille du cratère produit par l’impact de la sonde DART sur l’astéroïde ? Une étude a été publiée dans Nature Astronomy le 26 février 2024 1, par une équipe internationale, dont Patrick Michel, directeur de recherche CNRS au laboratoire Lagrange (Observatoire de la Côte d’Azur - Université Côte d'Azur - CNRS) est co-auteur. Il fait partie des initiateurs de la mission DART et est responsable scientifique de la mission Hera. Cette étude porte sur des simulations numériques de l’impact de DART sur Dimorphos reproduisant les données récoltées à distance par les télescopes et par le petit satellite Italien LICIACube après l’impact (la réduction de période orbitale, la quantité de poussière émises ; voir Figure 1). Elles ont alors montré qu’en réalité, l’impact pourrait avoir provoqué une déformation globale de l’astéroïde plutôt que de produire un cratère.

Illustration impact DART 032024

Figure 1 : En haut : Paire stéréoscopique d’images prises par le petite Cubesat Italien LICIACube dans les premières minutes après l’impact de DART sur Dimorphos. En bas : paire stéréoscopique d’images d’une simulation numérique reproduisant le cône de matériel éjecté au même instant.

 De plus, les simulations qui reproduisent au mieux les données d’observation indiquent que Dimorphos a une très faible résistance. Sa cohésion pourrait être inférieure à quelques Pascals (en précisant qu’un Pascal est de l’ordre de la pression d’une feuille d’arbre sur une main). Cette faible cohésion est aussi la caractéristique des astéroïdes Ryugu et Bennu, visités par les sondes Hayabusa2 de la JAXA et OSIRIS-REx de la NASA dont la composition est pourtant différente. En ajoutant d’autres propriétés déduites de ces simulations, ces résultats suggèrent que Dimorphos n’est pas une roche faite d’un seul bloc mais un agglomérat de roches liées entre elles par leur propre attraction, qui se sont accumulées à partir du matériau de surface de Didymos lorsqu’il tournait plus vite sur lui-même, pour former une petite lune. L’impact de DART a ensuite pu causer une déformation globale et un renouvellement de la surface de Dimorphos du fait de sa faible résistance. Des films des simulations produisant cette déformation ont été effectués. Un exemple est donné dans ce communiqué.

Simulation of DART s impact on Dimorphos

Image d’une simulation par le code numérique d’impact Bern SPH montrant le résultat de l’impact de DART jusqu’à 30 minutes après la collision.
Elle peut être visualisée en 3D en mode « regard croisé » (© S.D. Raducan, UNIBE).

Ces prédictions ont des conséquences majeures pour la défense planétaire, car elles suggèrent qu’une faible résistance semble une caractéristique commune des petits astéroïdes, même si cela nécessite d’être confirmé par l’exploration d’autres astéroïdes. Elles pourront être vérifiées par la mission Hera de l’ESA, qui rejoindra Didymos et Dimorphos à l’automne 2026 pour effectuer le premier rendez-vous avec un astéroïde double, et qui fournira, selon cette étude, les images d’un corps déformé. Par ailleurs, grâce au radar basse fréquence à bord de l’un des Cubesats de la mission Hera, la première mesure directe de structure interne d’un astéroïde sera effectuée, qui permettra aussi de vérifier si Dimorphos est bien un agglomérat de roches comme ces simulations et les modèles de formation de lunes le prédisent.

La connaissance de la structure interne et des propriétés mécaniques des astéroïdes est essentielle pour des raisons à la fois scientifique (pour la compréhension de ces objets et de leur histoire liée à celle du Système Solaire), techniques (pour mieux préparer les outils ayant pour but d’interagir avec ces objets et d’en récolter des échantillons) et de protection de la planète du risque d’impact (pour concevoir la stratégie la plus efficace pour les dévier).

Référence

Raducan, S. et al. 2024. « Physical properties of asteroid Dimorphos as derived from the DART impact ». Nature Astronomy, doi:10.1038s41550-024-02200-3

Contact

Patrick Michel, Directeur de Recherche au CNRS au laboratoire Lagrange (Observatoire de la Côte d’Azur, Université Côte d’Azur - CNRS) -  michelp@oca.eu - Tél. : 06 88 21 28 33.