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L'eau liquide est un élément essentiel à l'apparition de la vie sur Terre. On suppose qu'il en est de même sur d'autres planètes, et c'est pourquoi on définit souvent la « zone habitable » comme la région autour d'une étoile où les planètes (et leurs lunes éventuelles) ne seraient ni trop chaudes ni trop froides pour avoir de l'eau liquide. Mais il existe aussi des planètes qui n'ont pas d'étoile compagnon : éjectées de leur système, ces « planètes flottantes » errent dans notre galaxie dans une obscurité presque totale. En l'absence de rayonnement stellaire direct, la présence d'eau liquide sur ces planètes semble impossible. Cependant, sur les lunes en orbite autour de ces objets errants semblables à Jupiter, la force de marée exercée par leur planète hôte pourrait, en principe, fournir l'énergie nécessaire à la présence d'eau liquide. La distance par rapport à la planète hôte et l'excentricité de l'orbite de la lune déterminent la quantité d'énergie libérée dans la croûte puis dans l'atmosphère.

Selon une étude précédente (Avila et al. 2021, International Journal of Astrobiology, 20, 300), la quantité d'eau liquide potentiellement disponible à la surface des exolunes de ces planètes flottantes ne représente qu'une infime partie de celle que l'on trouve aujourd'hui sur Terre. Cela rend ces environnements particulièrement intéressants pour les cycles locaux d'humidité et de sécheresse qui, comme l'a récemment démontré un article de Nature Physics Rev (Ianeselli et al. 2023, 5, 185–195) fournissent la complexité chimique nécessaire pour que les molécules puissent s'accumuler et favoriser la polymérisation de l'ARN.

Pour maintenir l'eau à l'état liquide, l'atmosphère doit être suffisamment épaisse pour fournir une sorte de couverture à la chaleur qui s'échappe. La présence de dioxyde de carbone (CO2) maintient la chaleur, à l'instar de ce qui se passe sur Terre avec l'effet de serre. Ce mécanisme est également observé sur Vénus, dans notre système solaire, où l'atmosphère dominée par le CO2 dépasse les 450 degrés Celsius.

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Bien que ce mécanisme semble prometteur pour obtenir de l'eau liquide, les astronomes savent que l'orbite de ces lunes devient moins excentrique au cours de leur évolution, ce qui réduit l'efficacité du chauffage produit par la force de marée. L'article de Giulia Roccetti intitulé « Presence of liquid water during the evolution of exomoons orbiting ejected free-floating planets », en cours de publication dans International Journal of Astrobiology, présente un modèle permettant de déterminer l'évolution des orbites de ces lunes, jamais observées jusqu’à présent. Les auteurs ont réalisé des simulations numériques de l’éjection d’une planète de son système stellaire, et observé l’effet sur les orbites de ses satellites survivants. Il est ensuite possible de faire évoluer leurs orbites autour de la planète flottant librement pendant des milliards d'années.

Giulia Roccetti et ses collaborateurs ont ainsi constaté que seule une fraction des lunes peut conserver la chaleur pendant quelques milliards d'années, ce qui est compatible avec le temps nécessaire à l'apparition de la vie sur Terre. Une autre conclusion importante de ces travaux est que les lunes devraient avoir une atmosphère relativement dense, au moins aussi épaisse que celle de la Terre. Des pressions de surface plus élevées augmentent les chances d'avoir de l'eau liquide pendant une longue période, comme dans le cas des lunes semblables à Vénus, dont la pression de surface est cent fois supérieure à celle de la Terre.

Bien que cette étude contribue de manière significative à déterminer les chances que ces objets exotiques puissent exister et, par conséquent, être observés, plusieurs questions devraient être abordées à l'avenir : par exemple, le rôle joué par d'autres processus de chauffage, comme l'activité géologique de la lune, l'interaction avec d'autres lunes dans le système, ou l'applicabilité de mécanismes potentiels qui conduisent à la formation de la vie.

Référence

« Presence of liquid water during the evolution of exomoons orbiting ejected free-floating planets » accepted for publication on International Journal of Astrobiology, Roccetti et al. 2023, International Journal of Astrobiology.

A lire aussi : « Life on distant moons », communiqué de presse de référence (Origins Cluster Munich, Allemagne).

Illustration : Vue d'artiste générée par les auteurs à l'aide de Midjourney.

Contacts

Aurélien Crida, professeur Université Côte d'Azur, et Andrea Chiavassa, chercheur CNRS, laboratoire LAGRANGE, Université Côte d’Azur / Observatoire de la Côte d’Azur / CNRS.

Giulia Roccetti, PhD à l’ESO-Garching (Giulia.Roccetti@eso.org)