Nouveau spectrographe du télescope William Herschel (Canaries, Espagne), WEAVE vient de collecter avec succès ses premières lumières de galaxies. L’observation du Quintette de Stephan, un groupe de cinq galaxies, a permis de démontrer ses capacités inédites et promet à la communauté astronomique de nombreuses découvertes. En France, WEAVE a été soutenu par le CNRS, l’Observatoire de Paris-PSL et l’Observatoire de la Côte d’Azur.
Des observations presque 100 fois plus rapides qu’avant. C’est la puissance que l’instrument WEAVE installé sur le télescope William Herschel à l’Observatoire du Roque de los Muchachos met à disposition des astronomes. Il vient d’en faire la preuve en captant ses premières lumières, venues du Quintette de Stephan, un groupe de cinq galaxies dont certaines entrent en collision.
Les scientifiques de l’Isaac Newton Group of Telescopes (ING)1 se sont intéressés en particulier à ces dernières, NGC 7318a et NGC 7318b. Les spectres révèlent la présence de gaz ionisé bien en dehors des disques galactiques : les nuages d'hydrogène sont poussés hors de leurs orbites par l'intrusion à grande vitesse, presque 3 millions de km/h, de la galaxie NGC 7318b, qui se déplace directement vers nous à travers le centre du Quintette de Stephan (voir images).
Ces observations ont été réalisées avec un des trois modes de WEAVE, dit LIFU, composé de 547 fibres optiques très rapprochées qui envoient la lumière d'une zone hexagonale du ciel vers le spectrographe, où elle est analysée et enregistrée. La première lumière de WEAVE démontre non seulement qu’il fonctionne, mais aussi qu’il produit des données de grande qualité promettant d’importantes découvertes dans les années à venir. La versatilité de WEAVE est l’une de ses grandes forces. En plus de ce mode LIFU, WEAVE propose dans son mode multi-objet (MOS) jusqu’à 960 fibres individuelles déployées dans un grand champ de 2° de diamètre et positionnées par des robots sur des étoiles, galaxies ou quasars indépendants. WEAVE permettra d’observer dans deux modes de résolution distincts, en basse résolution et haute résolution qui permettent de distinguer des différences de vitesses aussi fines que 5km/s ou 1.2km/s respectivement.
La construction de WEAVE a été financée en France par le CNRS, l’Observatoire de Paris-PSL, les régions Île-de-France2 et Bourgogne-Franche-Comté. Il a également profité de l‘expertise des laboratoires Galaxies, étoiles, physique, instrumentation (Observatoire de Paris-PSL/CNRS) et Lagrange (Université Côte d'Azur - Observatoire de la Côte d’Azur - CNRS), et du soutien de l’Observatoire des sciences de l'Univers Terre homme environnement temps astronomie (CNRS/Université Bourgogne Franche-Comté). Ces laboratoires français participeront aux côtés d’autres3 aux futurs programmes d’observations. En effet, plus de 500 astronomes européens ont prévu huit grands relevés qui seront conduits avec WEAVE, dans des domaines aussi variés que la physique stellaire, l’Archéologie Galactique, l’évolution des galaxies et la cosmologie. La préparation et la conduite des relevés WEAVE sont soutenues par un Service National d’Observation (ANO-04) de l’INSU, coordonné par l’OCA, qui regroupe les contributions de huit Observatoires en Science de l’Univers en France4.
Le laboratoire Lagrange (Université Côte d'Azur - Observatoire de la Côte d’Azur - CNRS), après avoir contribué à la phase d’étude du correcteur de champ de WEAVE, assure la responsabilité du relevé d’Archéologie Galactique avec WEAVE (Science Team Lead: Vanessa Hill, directrice de recherche CNRS), qui représentera entre 60 et 80% des cibles observées par les relevés de WEAVE, en accompagnement à la mission spatiale Gaia. L'UMR Lagrange compte 13 participants5 à quatre relevés distincts (Archéologie Galactique, Amas de Galaxies, suivi de sources des relevés en radio avec LOFAR et relevés quasars). L’équipe participe de plus à la chaine de traitement des données pour le relevé (G. Kordopatis, A. Spang, P. de Laverny, A. Recio Blanco, E. Fernandez Alvar, S. Flament, F. Gran) en fournissant au consortium la mesure des éléments chimiques individuels des spectres stellaires des relevés, qui s’appuie sur les outils automatisés initialement développés pour l’analyse des spectres stellaires de la mission Gaia.
Mode d’observation de WEAVE pointant vers le Quintette de Stephan pour l'observation de la première lumière. Il recueille la lumière de 547 points du ciel qui seront analysés par le spectrographe. L'observation fournit des informations physiques de chaque région distincte de chaque galaxie ainsi que de l'espace qui les sépare. © NASA, ESA, CSA, STScI (image de fond) ; Aladin (superposition avec les fibres) |
Vitesses dérivées des spectres WEAVE (en bleu, vert et rouge) superposées sur une image composite du Quintette de Stephan. Les vitesses indiquent que la galaxie centre-gauche NGC 7318b (en bleu) est une intruse tardive, entrant dans le groupe par l'arrière et passant devant NGC 7318a (en rouge) à 800 km/s (près de 3 000 000 km/h) par le centre du Quintette de Stephan. Cette collision à grande vitesse crée des ravages dans NGC 7318b, notamment au niveau de ses réservoirs d’hydrogène gazeux qui sont dépouillés. Il est probable que la formation de nouvelles étoiles dans cette galaxie soit fortement ralentie car l’hydrogène est le premier carburant de ce processus.
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L’intensité de la lumière reçue dans chacune des 547 fibres de WEAVE dans le mode LIFU permet de reconstruire l’image au centre. Au niveau des deux noyaux de galaxie (en haut et à droite), les spectres indiquent des étoiles moyennement vieilles (un milliard d'années) et aucune formation d'étoiles en cours. Les spectres étroits et pointus en bas et à droite sont typiques des gaz (hydrogène, oxygène, azote, soufre) chauffés à plus de 10 000 degrés par de très jeunes étoiles, tandis que les pics larges et asymétriques des spectres montrés à gauche indiquent des chocs turbulents entre les nuages de gaz. Le spectre en rouge, obtenu avec la plus haute résolution spectrale de l’instrument dans ce mode, permet de mesurer des différences de vitesses avec des précisions de 12.5km/s.
© ING, WEAVE Project, Marc Balcells, and Javier Mendez
Pour en savoir plus, le communiqué de l’ING.
Contacts
Vanessa Hill, directrice de recherche CNRS, laboratoire Lagrange (Université Côte d'Azur, OCA, CNRS) - Vanessa.Hill@oca.eu
Georges Kordopatis, astronome adjoint à l'Observatoire de la Côte d'Azur, laboratoire Lagrange (Université Côte d'Azur, OCA, CNRS) - Georges.Kordopatis@oca.eu
Notes
- L’ING est constitué de deux télescopes situés à l'observatoire du Roque de los Muchachos. En 2016, les pays du partenariat ING (le Royaume-Uni, l'Espagne et les Pays-Bas), rejoints par la France et l'Italie, ont signé un accord pour concevoir et construire WEAVE, chaque pays contribuant aux principaux composants, et l'ING fournissant les systèmes auxiliaires et la gestion globale du projet.
- Le projet WEAVE a été financé dans le cadre du Domaine d’intérêt majeur « Astrophysique et conditions d’apparition de la vie » 2012-2016 de la région Île-de-France.
- Le Laboratoire d'astrophysique de Marseille (CNRS/Aix-Marseille Université/CNES), le Laboratoire d'astrophysique de Bordeaux (CNRS/Université de Bordeaux), l’Institut de planétologie et d'astrophysique de Grenoble (CNRS/Université Grenoble Alpes) et l’Observatoire astronomique de Strasbourg (CNRS/Université de Strasbourg).
- Observatoire de la Côte d’Azur, l'Observatoire de Paris, l’Observatoire Astronomique de Strasbourg, PYTHEAS, l’Observatoire en Sciences de l’Univers de Grenoble, l’Observatoire des Sciences de l’Univers Terre Homme Environnement Temps Astronomie et l’Observatoire Aquitain des Sciences de l’Univers.
- Lionel Bigot, Patrick de Laverny, Chiara Ferrari, Sébastien Flament, Felipe Gran, Vanessa Hill, Georges Kordopatis, Sophie Maurogordato, Nicole Nesvadba, Alejandra Recio Blanco, Mathias Schultheis, Alain Spang, Frédéric Thevenin.