Des chercheurs du laboratoire Lagrange (CNRS - Université Côte d’Azur – OCA), membres de l’équipe scientifique de la mission Hayabusa2 (JAXA), ont participé à la première confrontation des données prises par la sonde lors des récoltes d’échantillons de l’astéroïde Ryugu et celles provenant de l’analyse des échantillons amenés sur Terre. Collectés en deux endroits de la surface de Ryugu, ces échantillons révèlent bien toute la diversité et les différentes caractéristiques du matériau constituant cet astéroïde primitif. Les résultats sont publiés dans le journal Science .
La sonde Hayabusa2 a effectué deux opérations de récoltes de l’astéroïde Ryugu en 2019, qui ont permis de ramener sur Terre, 5,4 grammes de matière de l’astéroïde provenant de sa surface et de sa sous-surface. Durant ces deux récoltes réussies de nombreuses images ont été prises, permettant d’analyser en détail l’interaction du mécanisme de récolte avec la surface et les propriétés de surface et du matériau éjecté lors de cette opération. Celles-ci ont été comparées à celles du matériau amené sur Terre.
Les images du matériau éjecté durant les récoltes et lors de l’activation du système de propulsion de la sonde pour s’éloigner de la surface de l’astéroïde montrent que les fragments de roche éjectés ont deux types de morphologies : certains ont un aspect rugueux, d’autres sont d’un aspect plus lisse. Ces deux types sont similaires aux variations morphologiques observées par la sonde pour l’ensemble des roches de surface et par l’atterrisseur Franco-Allemand (CNES-DLR) MASCOT (voir Fig. 1), ce qui indique que le matériau éjecté lors des récoltes est représentatif du matériau de surface en général. De plus, l’analyse d’une séquence d’images de ces récoltes montre qu’un de ces éjectas s’est fragmenté en entrant en collision avec la sonde durant son éjection. Les chercheurs ont pu déterminer que cette collision s’est produite à très basse vitesse (autour de 0,1 m/s). Or la fragmentation des météorites de type chondrite carbonée, utilisées comme analogues du matériau de Ryugu, nécessite une vitesse d’impact > 1 m/s. En accord avec les données spectrales mesurées in situ par la sonde, la surface de Ryugu est donc constituée en partie d’un matériau très poreux et de faible résistance mécanique.
Plus de deux cents petits fragments lithiques (1 à 10 mm en taille) prélevés dans les deux chambres de récolte ont également été observésdans les laboratoires terrestres. L’analyse de la structure, de la morphologie de surface, de la forme et de la couleur de ces fragments indique qu’ils sont similaires au matériau de surface de Ryugu observé par la sonde. Ces résultats sont importants car ils attestent que les échantillons n’ont pas été affectés par le processus de récolte et de retour sur Terre et ne souffrent d’aucun biais d’échantillonnage. Les échantillons sont passés à la seconde phase d’analyses physico-chimiques plus détaillée, qui livrera l’histoire géologique très riche de l’astéroïde. Cette complexité géologique des astéroïdes et la diversité des caractéristiques observées à leur surface continue de surprendre les chercheurs et de représenter un défi pour bien en comprendre l’origine.
Figure 1 : Haut : (A) Image de la surface de Ryugu aux environs du site de la première récolte d’échantillons; (B) Image similaire aux environs du site de la deuxième récolte, à proximité du cratère produit par l’expérience d’impact par le SCI (le Small Carry-on Impactor) d’Hayabusa2 entouré par une ligne en pointillés. Ces images ont été prises par la caméra de navigation à grand champ de la sonde. Les flèches vertes pointent sur des exemples de roches et cailloux aplatis. Le label type 1 correspond aux roches à surface rugueuses. Le label type 2 correspond aux roches à surface lisse. La surface de l’astéroïde présente une richesse géologique qui a surpris les chercheurs et la diversité des cailloux qui y résident est bien représentée par les échantillons récoltés.
Bas : Deux des échantillons de Ryugu récupérés dans les laboratoires terrestres montrant les deux même types de morphologies que celles apparentes sur les images de la surface de Ryugu. Le type 1 se retrouve dans l’échantillon C0002 et le type 2 dans l’échantillon A0046.
Référence
Pebbles and sand on asteroid (162173) Ryugu: In situ observation and particles returned to Earth, Science.org, 10 février 2022
Contacts
Patrick Michel, directeur de recherche CNRS, laboratoire Lagrange (CNRS-UCA-OCA) : michelp@oca.eu
Guy Libourel, professeur Université Côte d'Azur, laboratoire Lagrange (CNRS-UCA-OCA) : libou@oca.eu