La turbulence a une influence majeure dans d'innombrables contextes naturels et industriels, tels que les écoulements atmosphériques, astrophysiques et océaniques, ainsi que ceux ayant lieu dans une turbine à combustion ou autour d'une aile d'avion. Dans tous ces exemples, une compréhension fondamentale de la turbulence est nécessaire pour une caractérisation fine des phénomènes de dispersion, mélange et trainée pariétale, ce qui peut mener notamment à des améliorations des rendements de certains procédés industriels.
Cependant, la modélisation de la turbulence est limitée aujourd'hui par l'absence d'une description complète de ce phénomène à un niveau fondamental, du fait de son immense complexité qui freine les développements théoriques.
Des chercheurs du Laboratoire Lagrange (CNRS/Université Côte d'Azur/Observatoire de la Côte d'Azur) et du Laboratoire de mécanique des fluides et d'acoustique (LMFA, CNRS/Université de Lyon) ont montré que la complexité des écoulements turbulents peut être complètement reproduite et quantifiée si l'on considère une turbulence constituée de tourbillons discrets (des filaments de vorticité d'épaisseur infime) en interaction mutuelle, au lieu de l'écoulement d'un continuum de tourbillons classiquement décrit par les équations de Navier-Stokes.Ce système de tourbillons discrets, conceptuellement plus simple à appréhender, est celui que l'on observe notamment dans les superfluides sans viscosité, tels que l'hélium superfluide à très basse température, et qui est décrit avec précision par un modèle issu de la mécanique quantique.
Leur étude confirme, premièrement, que les tourbillons discrets ont une forte tendance à s'aligner, se regroupant dans des paquets polarisés de vorticité qui donnent lieu aux lois d'échelle de Kolmogorov bien connues dans la turbulence classique. Deuxièmement, ce travail montre que ces tourbillons se distribuent spatialement de manière très inhomogène.Ces résultats suggèrent des nouvelles pistes qui pourraient permettre d'améliorer notre compréhension de la turbulence dans les fluides de tous les jours.
Simulations numériques d'un écoulement superfluide (à gauche) et d'un écoulement classique (à droite)
où l'on voit la présence de petits tourbillons, colorés selon leur sens de rotation par rapport à la verticale.
Références
« Vortex clustering, polarisation and circulation intermittency in classical and quantum turbulence » Juan Ignacio Polanco, Nicolás P. Müller et Giorgio Krstulovic. Nature Communications, 7 décembre 2021.
« Intermittency of Velocity Circulation in Quantum Turbulence » Nicolás P. Müller, Juan Ignacio Polanco et Giorgio Krstulovic. Phys. Rev. X 11, 011053 (2021), published 16 March 2021.
Ces travaux ont été réalisés grâce au soutien de l'ANR GIANTE ANR-18-CE30-0020-01 et à l'allocation d'heures de calcul GENCI 2019-A0072A11003.
Contact
Giorgio Krstulovic, chercheur CNRS, Laboratoire J-L Lagrange (CNRS-Université Côte d'Azur - Observatoire de la Côte d'Azur) - giorgio.krstulovic@oca.eu