« Nous vivons actuellement une période absolument extraordinaire ! Nous avons la chance de vivre et de participer à deux missions parallèles dont le but est le retour sur Terre d’échantillons d’astéroïdes potentiellement carbonnés ! » s’enthousiasme Patrick Michel, directeur de recherche CNRS, au laboratoire Lagrange (CNRS-UNS-OCA). Comme Marco Delbo, Directeur au CNRS, Guy Libourel, Professeur à l’UNS et Florian Thuillet, doctorant à l’UNS, tous les trois aussi au laboratoire Lagrange, Patrick Michel fait partie des équipes scientifiques de ces deux missions.
La mission OSIRIS-REx de la NASA, partie le 8 Septembre 2016 a atteint l’astéroïde Bennu le 3 décembre 2018 pour se mettre en orbite à 1,6 km autour de ce petit corps, un exploit ! Quant à Hayabusa2, lancée le 3 décembre 2014, elle est arrivée le 27 juin 2018 à destination, près de l’astéroïde Ryugu, qu’elle suit à 20 km de distance. « Ces deux missions nous font découvrir deux nouveaux mondes totalement extraordinaires ! Nous avons réussi à obtenir pour la première fois des données de deux astéroïdes potentiellement riches en carbone et beaucoup de nos idées pré-conçues ont dû être remises en question. » Par exemple, ces deux objets célestes sont recouverts de rochers distribués sur la surface de façon homogène et avec une grande abondance. Or, les seules données disponibles, celle de l’astéroïde Itokawa, laissaient penser que des régions plus ou moins lisses devraient exister, ce qui aurait permis de disposer d’une zone plus confortable et sécurisée pour réaliser les récoltes d’échantillon. Ces surprises n’ont pas empêché la réussite de la mission Hayabusa2 qui a réussi à récolter pour la première fois un échantillon de l’astéroïde Ryugu le 22 février dernier. Patrick Michel était présent dans la salle d’opération pendant cette manœuvre à très haut risque.
Les missions Hayabusa2 et OSIRIS-REx expliquées en vidéo :
Un lien existe entre ces deux missions puisque les équipes scientifiques se recoupent et certains chercheurs travaillent sur les deux missions. Ce qui est le cas des scientifiques niçois. « La volonté d’augmenter nos connaissances est commune même si les manières de faire sont très différentes des deux côtés. Un véritable partage d’information s’opère entre les équipes. Par exemple, les informations relatives à la récolte d’échantillon d’Hayabusa2 ont été transmises aux équipes d’OSIRIS-REx afin de leur faire profiter de cette expérience réussie. », explique Patrick Michel.
L’utilité d’étudier ces astéroïdes tient dans le fait qu’ils sont restés suffisamment petit pour qu’ils n’aient pas subi beaucoup d’échauffement depuis la formation du système solaire, donc leur composition est fidèle à celle des briques qui ont formé nos planètes, dont la composition initiale a été perdue car elle s’est transformée au sein de celles-ci par échauffement. « Ces astéroïdes nous renseignent sur la formation de la Terre et des planètes de type terrestre. Ce qui est particulièrement intéressant », explique Patrick Michel qui ajoute : « L’intérêt tout particulier des astéroïdes carbonnés est qu’ils peuvent nous apprendre des choses sur l’origine de la vie, car ils contiennent des matières organiques et des minéraux hydratés (qui ont vu l’eau). En analysant en laboratoire leur composition, grâce au retour d’échantillon, nous devrions pouvoir tester le scénario qui suggère que les astéroïdes ont pu apporter tous les éléments qui ont permis l’émergence de la vie sur Terre lors de leurs impacts avec celle-ci à la fin de sa formation.
Le 5 Avril 2019 la sonde effectue pour la première fois un impact haute vitesse sur cet astéroïde en lançant un projectile de 2 kg à 7200 km/h à sa surface en vue d’une deuxième récolte d’échantillon. La sonde japonaise s'est approchée de l'astéroïde Ryugu, et y a envoyé un impacteur truffé d'une charge explosive. Quelques minutes plus tard, il s'est écrasé comme prévu à la surface. Après avoir réussi à prélever des échantillons de l'astéroïde Ryugu, un petit corps de près de 900 mètres de diamètre qui orbite à une centaine de millions de kilomètres de la Terre, la sonde japonaise Hayabusa 2 a atteint son deuxième objectif.
La charge a explosé, propulsant la boîte vers la surface de cet amas de roche qu'est Ryugu. Même si l'équipe au sol n'avait aucun moyen de le vérifier en temps réel. L'objectif de cette expérience est de récupérer la foule d'informations inédites que devrait contenir le cratère, en particulier des indications sur la composition et la résistance de l'astéroïde. Mais aussi de permettre de tester les prédictions sur la formation des cratères dans l'espace. « Quand on fait des simulations dans des domaines de microgravité, on n'est pas capable de mener les calculs jusqu'au bout : on ne sait pas lier la taille d'un cratère à la taille de l'impacteur qui l'a créé, explique Patrick Michel. D'où la nécessité de cette expérience. »
Pour avoir toutes les images et analyser le cratère, les scientifiques doivent maintenant attendre. Il faudra quelques jours pour que la caméra transmette des images de meilleure qualité, voire le film de l'impact. Et deux semaines avant d'avoir toutes les données : la sonde Hayabusa 2 va en effet rester cachée de l'autre côté de l'astéroïde, le temps que les débris de l'explosion retombent au sol, et ne risquent plus de l'endommager.
L'atterissage de la sonde Hayabusa2 en vidéo :
Plusieurs publications sont en ligne auxquelles ont participé Patrick Michel directeur de recherche CNRS, responsable de l’Équipe TOP (Théories et Observations en Planétologie), Marco Delbo, Directeur de recherche CNRS, Guy Libourel, Professeur d'Université à l’UNS et Florian Thuillet, doctorant à l’UNS, tous les trois au laboratoire Lagrange :