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Le 25 avril 2016, le satellite Microscope était lancé avec succès depuis le Centre Spatial Guyanais. Gilles Métris, astronome à l’UMR Géoazur (UNS-CNRS-OCA-IRD) et co-principal investigateur de cette mission en est le responsable des développements des algorithmes et des logiciels pour l’analyse des données. Il revient sur cette aventure qui ne fait que commencer…

 A l’origine, quelles sont les motivations scientifiques de la mission spatiale Microscope ?

« Les théoriciens de la physique souhaiteraient pouvoir lier la gravitation avec toutes les interactions qui règnent dans le monde atomique. Outre les enjeux théoriques, des motivations bien plus prosaïques existent comme mieux comprendre la physique des premiers instants après le « big bang ».  Notre univers était à son origine bien plus concentré, il faudrait dans ces conditions faire jouer la gravitation et la mécanique quantique (étude des systèmes physiques à l’échelle atomique) de façon simultanée alors que dans notre univers actuel on utilise l’une ou l’autre selon les objets étudiés.

Les chercheurs ont-ils déjà une théorie… ?

« Une théorie candidate à cette explication est la théorie des cordes ou des super cordes. Elle rend assez bien compte de ce qui se passe en gravitation et en mécanique quantique mais n’est pas tout à fait aboutie. Il existe peut-être des phénomènes que nous ne connaissons pas notamment dans les mesures les plus fines. Pour le savoir, il faut réaliser des expériences microscopiques, à l’échelle des plus petits constituants d’un corps, ou macroscopiques, à l’échelle d’un corps dans sa globalité.  En ce qui concerne les expériences microscopiques nous disposons d'accélérateurs de particules mais le besoin en énergie qu’il faudrait pour réaliser ces expériences, nous ne le possédons pas. Or nous pouvons expérimenter la gravitation, et le test de principe d’équivalence sur un corps de façon plus accessible. Le test du principe d’équivalence a déjà été réalisé avec une précision de 10-13 de deux façons. L’une en laboratoire avec des balances de torsion, l’autre en étudiant la chute libre de la Lune et de la Terre qui sont toutes deux dans le champ de gravité du Soleil. D’où les mesures de la distance Terre-Lune effectuées sur le plateau de Calern. La mission Microscope propose, elle, de réaliser un test avec une précision de 10-15. »

Qu’est-ce que le principe d’équivalence ?

« Le principe d’équivalence, a été érigé en fondement de la théorie de la relativité générale par Albert Einstein, mais c’est historiquement seulement un fait expérimental qui remonte à Galilée et Newton : dans le langage Newtonien il postule l’identité entre la masse grave et la masse inertielle. Sa conséquence la plus simple à tester est que, dans le vide, tous les corps tombent avec la même vitesse, quelles que soient leur masse et leur composition. »

 © CNES - Schéma du principe de l'expérience

Comment Microscope va-t-il tester cette propriété ?

« Le principe de Microscope est de placer deux objets de masse et de composition différente au centre, vide, d'un satellite qui a été lâché à 707 km d’altitude, dans le champ de gravité de la Terre. Le satellite protège les objets du freinage (densité de l’atmosphère…), ils ne doivent pas bouger. S’ils se mettent en mouvement, une force électrostatique les empêchera de bouger et cette force sera mesurée. Si le résultat de ces mesures, avec une précision de 10-15, est différent pour les deux objets, il y aura violation du principe d’équivalence. Conceptuellement, nous nous rapprochons un peu de l’expérience de pensée de Galilée, qui du haut de la tour de Pise, imaginait lâcher des objets différents pour étudier leur chute. Mais aujourd’hui, avec beaucoup plus de technologie et donc bien plus de précision ! »

© ONERA - Le bloc de charge utile, deux accéléromètres avec chacun deux masses concentriques à l'intérieur.

Le satellite a été lancé le 25 avril 2016. Qu’en est-il aujourd’hui et dans les mois à venir ?

« Nous sommes dans une phase de recette en vol qui consiste à vérifier un à un tous les sous-systèmes.  Dans un ordre séquentiel bien précis, le fonctionnement de tous les éléments du satellite sera vérifié et leurs performances testées. Microscope est en saison d’éclipse jusqu’à fin juillet, il va traverser l’ombre de la Terre à chaque orbite, d'où des variations de température qui ne favorisent pas les performances ultimes. Mais nous allons en profiter pour caractériser l’impact de ces variations thermiques sur l’expérience. Les étalonnages proprement dits se feront à partir du mois d’août, nous aurons une bonne connaissance du niveau de performance en fin d’année. Les premiers éléments sont cependant prometteurs : l’orbite est nominale, l’ordinateur de bord et les communications avec le satellite fonctionnent, le système GPS et les senseurs stellaires donnent de bon résultats, la propulsion fonctionne, et surtout les masses des instruments sont asservies à leur position d’équilibre. La prochaine étape sera d’asservir la propulsion sur les mesures des accéléromètres.»

Lancement VS14 de Microscope © CNES

Quelle sera la durée de vie de ce satellite ?

« Il a été dimensionné pour être en activité pendant deux ans. Et même si l’ensemble peut fonctionner plus longtemps, un facteur limitera sa durée de vie : une réserve de gaz qui alimente des micro-propulseurs. Ces-derniers, peu puissants mais ultra sensibles, et asservis à des instruments de mesure, permettent d’annuler les effets des forces non gravitationnelles comme le freinage de l’atmosphère ou la pression de radiation. Le développement de cette technologie sera utile pour de futures missions. Par ailleurs, le CNES adhère à la loi de non prolifération des objets dans l’espace qui spécifie que le satellite doit retomber en moins de 25 ans après la fin de son activité. Dans le cas de Microscope, le CNES a développé un système pour augmenter l’efficacité du freinage dans l’atmosphère, une sorte de voile, qui fera retomber Microscope. »

Quel a été votre rôle et celui du laboratoire Géoazur dans cette mission spatiale ?

« Nous avons participé à la définition de la mission. Il nous a fallu répertorier toutes les causes de perturbations dans les mesures qui pourraient masquer un signal éventuel de violation du principe d’équivalence et modéliser tout cela. Nous avons donc procédé à de nombreux développements logiciels qui vont nous permettre d’étudier les mesures effectuées comme expliqué plus haut. Le laboratoire Géoazur participera, avec d’autres institutions comme l’ONERA,  à l’analyse et à l’étude de ces données. Dans un premier temps elles seront disponibles pour les équipes faisant partie du Science Working Group de Microscope et à des équipes qui ont été sélectionnées sur projet. Puis, quand les données seront décrétées validées, elles seront accessibles à l’ensemble de la communauté scientifique. »

Pourquoi le laboratoire Géoazur est-il si impliqué dans cette mission ?

« Le laboratoire Géoazur a été identifié comme partenaire pertinent pour cette mission grâce à ses domaines d’expertise que sont la dynamique spatiale et l’étude de la distance Terre-Lune, autre moyen de tester le principe d’équivalence. Deux personnes quasiment à temps complet travaillent sur cette mission et bientôt trois, à partir de l’automne. »

A lire aussi :

Microscope, la gravitation mise à l'épreuve, source CNES

Lancement de Microscope, le principe d'équivalence mis à l'épreuve, source INSU CNRS

© Illustration : Vue d'artiste de Microscope, le micro-satellite du CNES. Crédits CNES/ill./Ducros David, 2016

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