Actuellement la Lune tourne autour de la Terre sur une trajectoire inclinée d’environ 5 degrés par rapport à celle de notre planète autour du Soleil. Mais selon notre compréhension actuelle, la Lune s’être formée à partir d’un disque de débris dans le plan de l’équateur de la Terre, produit par la dernière collision géante subie par la Terre pendant sa formation. Donc, par définition, l’inclinaison de la trajectoire lunaire devrait être presque nulle et ce paradoxe, qui est resté un grand mystère, est connu sous le nom de « problème de l’inclinaison lunaire ».
Dans un article paru dans le journal Nature le 26 Novembre 2015, deux chercheurs de l’Observatoire de la Côte d’Azur à Nice, Kaveh Pahlevan, post-doctorant du programme Poincaré et Alessandro Morbidelli, Directeur de Recherches au CNRS, propose une solution à ce problème. La grande inclinaison lunaire serait due à une série de rencontres proches du couple Terre-Lune avec les gros corps rocheux (appelés planétésimaux) qui constituaient les briques restantes de la formation des planètes telluriques et qui poursuivaient leurs évolutions dans le Système Solaire interne. Les rencontres entre corps de masses non négligeables peuvent produire de fortes perturbations gravitationnelles qui dans certains cas ont pur effet d’augmenter (on dit « exciter ») l’inclinaison des trajectoires des corps mis en jeu.
Les simulations de Pahlevan et Morbidelli montrent que la période la plus favorable pour l’excitation de l’inclinaison lunaire par ces perturbations fut la phase d’une dizaine de millions d’années suivant la formation de la Lune. Cette excitation est le résultat de deux effets en compétition. D’une part, la Lune s’éloignait rapidement de Terre par rapport à sa distance initiale de formation d’environ 20.000 km (aujourd’hui la Lune se trouve à 380.000km) , en devenant ainsi de plus en plus sensible aux perturbations des planétésimaux passant proches du système Terre-Lune ; d’autre part, le nombre de planétésimaux dans le Système Solaire interne, et donc les perturbations induites sur le système Terre-Lune, diminuaient rapidement avec le temps car ces planétésimaux ont tendance a être rapidement éjectés du Système Solaire à cause des perturbations avec les planètes ou à tomber dans le Soleil ou sur une planète.
Leur scénario repose donc sur l’existence de planétésimaux résiduels après la formation de la Lune. Or la présence d’une population de planétésimaux s’approchant de notre planète à cette époque et parfois entrant en collision avec elle est prouvée par la chimie du manteau terrestre. Les études montrent qu’environ 1% de la masse de la Terre provient de collisions de planétesimaux après la formation lunaire. La force du modèle de Pahlevan et Morbidelli est de démontrer que cette même population de planétésimaux aurait donné à la Lune l’inclinaison actuellement observée.
Ainsi, leur modèle offre une vision cohérente de la dernière phase de croissance de notre Terre et de la mise en place du système Terre-Lune. Il démontre aussi le rôle fondamental des planétésimaux, matériau résiduel de la formation planétaire, qui font d’une pierre deux coups : ils fournissent à la Terre le pourcentage de masse nécessité par les analyses chimiques et à la Lune son inclinaison. La boucle est bouclée.
Référence
Kaveh Pahlevan, post-doctorant du programme Poincaré (OCA), UMR Lagrange (UNS-CNRS-OCA), et Alessandro Morbidelli, directeur de recherche au CNRS, UMR Lagrange (UNS-CNRS-OCA).
Collisionless encounters and the origin of the lunar inclination (DOI : 10.1038/nature16137)