À l’aide du nouveau système d’optique adaptative extrême SPHERE installé sur le Very Large Telescope de l’ESO, une équipe internationale menée par un astronome de l’Observatoire de Paris obtient la première image de la surface visible d’une étoile autre que le Soleil : la supergéante rouge Bételgeuse. Ces travaux font l’objet d’une publication dans la revue Astronomy & Astrophysics, en novembre 2015.
Bételgeuse est une des plus grandes étoiles connues, avec une taille de plus de 700 fois celle du Soleil.
Grâce à sa proximité (environ 640 années-lumière), son diamètre angulaire (45 millisecondes d’angle) est parmi les plus grands de toutes les étoiles. Il est équivalent à la taille apparente d’une pièce de 1€ observée à environ 100 km de distance.
La couleur orangée de la supergéante rouge Bételgeuse (α Orionis) est une des plus remarquables du ciel boréal. Cette teinte est due à la température particulièrement basse de cette étoile, seulement 4000°C contre 6000°C pour le Soleil.
Du fait de sa masse élevée, Bételgeuse a une durée de vie d’environ 10 millions d’années, et elle explosera probablement en supernova au cours du prochain million d’années.
Figure 1. Image composite couleur de Bételgeuse issue des observations
SPHERE/ZIMPOL.La résolution du télescope est représentée
par l’ellipse blanche dans le coin inférieur gauche de l’image.
Bételgeuse : une cible de choix
Actuellement, Bételgeuse perd de la matière à une taux de plusieurs fois la masse de la Terre chaque année, enrichissant ainsi le milieu environnant en éléments chimiques produits par les réactions nucléaires (oxygène, carbone, silicium,...).
Ces éléments forment des molécules et des grains de poussière au fur et à mesure qu’ils s’éloignent et se refroidissent. Par ce mécanisme, les étoiles évoluées comme Bételgeuse jouent un rôle central dans l’évolution chimique de l’Univers.
Le processus physique permettant à la matière d’être éjectée de la surface de l’étoile reste cependant largement mystérieux, et Bételgeuse est une cible de première importance pour comprendre ce phénomène.
C’est la raison pour laquelle Bételgeuse a été observée en mars 2015 par une équipe internationale menée par Pierre Kervella, astronome de l’Observatoire de Paris au Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (Observatoire de Paris/CNRS/Université Pierre et Marie Curie/Université Paris Diderot), à l’aide de l’instrument SPHERE/ZIMPOL installé sur le Very Large Telescope de l’Observatoire Européen Austral (ESO).
SPHERE est un système d’optique adaptative extrême de nouvelle génération qui corrige en temps réel les perturbations introduites par l’atmosphère terrestre.
Les images résultantes sont limitées par la diffraction, et permettent d’atteindre la résolution théorique du télescope jusqu’aux longueurs d’onde visibles.
De précieux indices pour comprendre la perte de matière
La surface de Bételgeuse apparaît irrégulière, entourée de panaches gazeux. Ces asymétries indiquent que la perte de masse de ce type d’étoile est certainement liée à la présence de forts mouvements convectifs à leur surface.
La caméra ZIMPOL a également mesuré la polarisation de la lumière, une propriété liée à la diffusion de la lumière par la poussière entourant l’étoile.
Figure 2. Carte du taux de polarisation linéaire autour de Bételgeuse.
La taille moyenne de la photosphère est représentée par un cercle en pointillés rouges,
et le cercle jaune marque 3 fois le rayon de l’étoile.
La carte du taux de polarisation montre une coquille de poussière incomplète et asymétrique à une altitude d’environ 3 fois le rayon de l’étoile.
La présence de poussière à une distance aussi faible de l’étoile indique qu’elle joue probablement un rôle important dans le mécanisme de la perte de masse.
Ces observations apportent donc de précieux indices sur la manière dont les étoiles massives perdent leur matière et enrichissent le milieu interstellaire.
Référence
« The close circumstellar environment of Betelgeuse. III. SPHERE/ZIMPOL imaging polarimetry in the visible », Astronomy and Astrophysics, Novembre 2015.
http://dx.doi.org/10.1051/0004-6361...
http://arxiv.org/abs/1511.04451
(*) P. Kervella (UMI&LESIA), E. Lagadec (OCA), M. Montargès (IRAM), S. T. Ridgway (NOAO), A. Chiavassa (OCA), X. Haubois (ESO), H.-M. Schmid (ETH Zürich), M. Langlois (OMP), A. Gallenne (ESO) et G. Perrin (LESIA).