Les séismes lents (SSE) sont des processus asismiques qui relâchent épisodiquement les contraintes accumulées sur certaines portions des failles. Leur découverte dans les zones de subduction témoigne d’une dynamique complexe des modes de glissement et de variations latérales de la friction le long du plan de faille. Si les SSE profonds ayant lieu en dessous des zones fortement couplées ont été étudiés de manière intensive, certaines zones de subduction hébergent un autre comportement transitoire où le glissement asismique se développe aux mêmes profondeurs que les grands séismes et est accompagné d’une intense activité micro-sismique. Ce processus que nous appelons "S5" est l’objet de ce projet.
Avec une période de récurrence de quelques années, les S5 induisent des perturbations régulières des contraintes sur l’interface et peuvent être précurseurs d’un grand séisme, comme cela a été proposé pour le séisme du Japon en 2011. Néanmoins, la majorité des S5 n’aboutissent pas à un grand séisme. Une question centrale est donc de savoir si certaines caractéristiques comme la pénétration du glissement dans une zone fortement couplée peuvent permettre d’anticiper l’évolution d’un S5. Pour tenter de répondre à cette question, notre approche est (1) d’observer des S5 avec une haute résolution spatiale et temporelle (2) utiliser des méthodologies nouvelles pour extraire des informations pertinentes pour documenter le glissement (3) développer de nouvelles modélisations intégrant les différentes observations dans un modèle physique.
Pour la partie observation, nous avons sélectionné 4 zones où (1) la probabilité d’observer un S5 pendant le projet est haute (2) le coût d’observation est réduit par l’existence d’une bonne infrastructure géodésique et sismologique mise en place à travers des collaborations passées avec nos partenaires. Deux zones cibles sont situées dans les Andes du nord en Equateur et au Pérou et deux autres ont été choisies au Chili. Pour chaque zone, nous densifierons les réseaux existants avec de nouvelles stations GNSS et des sismomètres large-bande empruntés pour 4 ans. Nous effectuerons des campagnes régulières de mesures GNSS et réaliserons une campagne sismologique dense de 6 mois sur les deux zones cibles au Chili. Ces données, conjointement avec celles de données de campagnes sismologiques denses déjà réalisées en Equateur et au Pérou constitueront la base d’application pour de nouvelles méthodologies.
En géodésie, nous utiliserons une approche permettant d’extraire les contributions non-tectoniques dans les séries temporelles GNSS. Nous calculerons alors des champs de vitesses pour modéliser le couplage intersismique le long de l’interface en estimant la part de la déformation crustale et en utilisant des rhéologies viscoélastiques. Enfin, nous développerons une approche où la cinématique du glissement est inversée directement à partir des séries temporelles GNSS sans hypothèse de vitesse constante. Cette approche ouvre la perspective d’une imagerie dynamique du glissement et l’identification de petits transitoires.
En sismologie, nous analyserons les séismes répéteurs, les trémors et calculerons de manière systématique les mécanismes au foyer et les fonctions sources des événements les plus grands. Une nouveauté de notre projet est d’utiliser le "Machine Learning" pour produire rapidement les catalogues de sismicité et en augmenter la résolution.
Finalement, nous développerons une approche de modélisation intégrative où l’évolution spatiale et temporelle de la micro-sismicité et les variations de temps de récurrence des séismes répéteurs doivent être cohérentes avec l’évolution des contraintes élastiques générées par le développement du glissement sur l’interface. Ces résultats seront comparés à des simulations numériques d’une interface hétérogène en friction. Enfin sur cette base, nous étudierons les conditions et la dynamique des S5 conduisant à la déstabilisation des aspérités sismiques.
PI : Jean-Mathieu NOCQUET
FINANCEMENT ANR 2019
DEBUT : Décembre 2019
DUREE : 48 mois