Dans un article publié le 9 novembre dans la revue Nature Geoscience, Jean-Paul Ampuero et Huihui Weng, deux chercheurs d’Université Côte d’Azur et de l’IRD proposent un nouveau modèle permettant de prédire la vitesse de propagation des séismes.
Article IRD paru le 9 novembre 2020
Parmi les risques naturels les plus dommageables, les tremblements de terre restent l'un des phénomènes les moins compris des sciences de la Terre. Les séismes se produisent quand une faille tectonique glisse. Or, le glissement ne se produit pas sur toute la faille en même temps, mais démarre en un point, appelé hypocentre, puis s'étale sur la faille. La vitesse à laquelle le glissement s'étale s’appelle la « vitesse de rupture » du séisme. Les géophysiciens s’intéressent particulièrement à ce paramètre : en effet, plus cette vitesse est rapide, plus les ondes sismiques sont fortes et donc provoquent des dégâts importants.
Les modèles sismiques construits jusqu'à présent concluaient que les séismes ne peuvent pas se propager de manière stable et soutenue à des vitesses arbitraires, mais qu’il existe une gamme de « vitesses interdites » située entre les vitesses des ondes P et S, les deux ondes sismiques principales qui se propagent dans la Terre. Or, les progrès dans l’observation sismologique des tremblements de terre ont permis de montrer que des séismes récents se sont bien propagés à des vitesses interdites. C’est le cas par exemple du séisme de 2018 à Palu en Indonésie, qui a provoqué un tsunami destructeur.
Des vitesses de rupture ininterrompues grâce au glissement oblique.
Pour résoudre ce dilemme, les chercheurs d’Université Côte d’Azur et de l’IRD ont construit un nouveau modèle pour prédire la vitesse de propagation des séismes. Ils se sont appuyés sur le calculateur de l'Observatoire de la Côte d’Azur, qui fait partie d'OPAL, une plateforme mutualisée qui regroupe les grands calculateurs scientifiques haute performance de la région.
Ils se sont attachés à combler deux limitations cruciales des modèles précédents. La première : les modèles ne prévoyaient que deux dimensions, alors que la Terre a trois dimensions. La deuxième : la direction du glissement n’est pas toujours à l’horizontale ou à la verticale, mais peut se faire de manière oblique. En dépassant ces deux limitations, les chercheurs sont parvenus à expliquer pourquoi ces vitesses de propagation ne sont pas interdites, mais possibles.
« Un enjeu majeur en matière de prévention des séismes est de prédire leurs impacts. Introduire plus de physique dans l’évaluation de l’aléa sismique, très empirique, est une opportunité dont nous devons nous saisir », souligne Huihui Weng, chercheur à Université Côte d’Azur.
« Le nouveau modèle proposé fournit des éléments théoriques validés qui pourront, à terme, enrichir la manière d’évaluer le risque sismique », complète Jean-Paul Ampuero, sismologue à l’IRD.
Référence : H. Weng and J.P. Ampuero, Continuum of earthquake rupture speeds enabled by oblique slip, Nature Geocience, 9 novembre 2020. DOI: 10.1038/s41561-020-00654-4.
Contact : jean-paul.ampuero@ird.fr