A propos des vibrations du sol dues à un séisme
Un séisme est dû à une rupture des roches en profondeur qui occasionne un déplacement rapide des deux compartiments d’une faille. C’est un phénomène bref (quelques secondes pour les séismes faibles à modérés à quelques minutes pour les séismes majeurs) qui génère des vibrations appelées ondes sismiques. Ces ondes se propagent de la profondeur vers la surface à une vitesse très importante (plusieurs kilomètres par seconde). Ce sont les vibrations superficielles du sol qui sont responsables de la plupart des dommages aux structures (immeubles, maisons, ponts, infrastructures). Les effondrements de structures sont responsables de la plupart des pertes humaines (*).
Le niveau des vibrations du sol est fonction de deux paramètres de premier ordre : la taille du séisme (= la magnitude) et la distance entre la zone de rupture et le site considéré. La magnitude est une mesure de l’énergie émise par le séisme. Un séisme de magnitude modérée (4-5) peut engendrer des vibrations du sol assez fortes mais dans une zone très réduite (exemple du séisme de Barcelonnette dans la vallée de l’Ubaye du 26 février 2012 de magnitude 4.9 qui a engendré des destructions significatives dans la ville). A l’opposé, un séisme de magnitude plus forte (> 6) peut ne faire aucun dégât s’il est situé loin des zones habitées (exemple du séisme de magnitude 6 qui a eu lieu en mer entre la Corse et le continent en 1963). Il est donc primordial de connaitre où vont avoir lieu les séismes et quelle peut être leur magnitude.
En plus de la magnitude et de la distance, un autre effet doit être pris en compte. Il s’agit de l’effet de site. Ce terme désigne les amplifications des ondes sismiques engendrées par les couches géologiques superficielles ou le relief topographique. Cela peut paraitre contre-intuitif, mais l’on sait maintenant que les ondes sont amplifiées par les sols mous (alluvions par exemple) en comparaison au rocher (sol formé de granite ou de calcaire par exemple). Ainsi un séisme d’une même magnitude et à une même distance génèrera des vibrations de surface plus fortes dans une vallée sédimentaire que sur un site au rocher. Un effet d’amplification peut exister aussi dans les zones escarpées (on parle alors d’effet de site topographique). Cet effet peut concerner certains villages perchés de l’arrière-pays niçois et de la vallée du Var par exemple.
L’aléa sismique sur la Côte d’Azur
Des séismes historiques destructeurs : La Côte d’azur est une des zones les plus sismiquement actives de l’Europe de l’Ouest. Elle a subi dans l’histoire une dizaine de séismes destructeurs. En 1564, un séisme a engendré des dégâts considérables dans le proche arrière-pays niçois et au moins 300 morts (Larroque et al., 2001). En 1887, un séisme en mer a eu lieu à quelques kilomètres de la côte Ligure causant la mort de plus de 600 personnes, des dégâts considérables et un tsunami de 2 mètres au maximum. Sa magnitude a été estimée entre 6.7 et 6.9 (Larroque et al., 2012). Ce séisme ayant eu lieu près de San Remo en Italie, c‘est dans cette zone qu’il a causé le plus de dégâts (Figure 1, photo en haut à droite). Dans la ville de Nice située à plus de 50 km du foyer, les vibrations ont été assez fortes pour pousser les habitants à camper pendant plusieurs semaines par crainte des répliques (Figure 1, photo en bas à droite).
C’est la reproduction actuelle de ce type de séisme que l’on craint le plus compte tenu de sa magnitude forte pour la région. Indépendamment du nombre de victimes, un tel événement pourrait générer plusieurs milliers de sans-abris dans la ville de Nice.
Figure 1 : Carte de gauche : Les points blancs indiquent les épicentres des séismes localisés de 1980 à 2013 par le RENASS |
Une microsismicité forte qui montre que la zone est active : Les réseaux sismologiques actuels (réseau RESIF : réseau sismologique national Français, géré localement par Géoazur et le CEREMA) détectent tous les séismes de magnitude supérieure à 1.8 dans la région (Carte figure 1). En mer, la détection est moins précise par manque de stations. Les vibrations du sol sont enregistrées par une trentaine de capteurs dans la région et transmises en temps quasi réel au laboratoire Géoazur. Ces données sont ouvertes et accessibles à tous via le portail RESIF (seismology.resif.fr/). On enregistre des petits séismes presque tous les jours, ce qui montre que la zone est extrêmement active, même si l’on n’a pas eu d’événement fort depuis longtemps. Des localisations automatiques rapides, puis révisées, peuvent être obtenues sur le site http://sismoazur.oca.eu/ géré par le laboratoire Géoazur.
Les causes géologiques : Le bassin méditerranéen est le lieu de rencontre de deux grandes plaques tectoniques : Afrique et Eurasie. Dans le passé géologique (les 60 derniers millions d'années) la convergence de ces deux plaques a entraîné la formation de la chaîne des Alpes. Durant les derniers millions d'années, la frontière entre ces deux plaques s'est déplacée vers le sud et elle passe maintenant au niveau des chaînes du Maghreb, de la Sicile et de la Calabre. Actuellement, le sud de la France est donc éloigné de la frontière de plaques mais subit néanmoins les contrecoups de cette convergence comme le montre la figure présentant la sismicité de la zone des Alpes Maritimes et du bassin Ligure (figure 1). Des travaux récents tendent à montrer que le rééquilibrage des masses associées au fort relief des Alpes et à la disparition assez récente (à l’échelle géologique, depuis environ 10000 ans) des glaciers, contribuent aux forces tectoniques à l’origine des séismes de notre région.
Les failles actives : les séismes ont lieu sur des failles que l’on dit « actives » car elles sont capables d’engendrer un séisme dans la période actuelle. Des campagnes en mer de bathymétrie fine (Larroque et al., 2011) ont permis d’identifier un réseau de failles à environ 25 km des côtes qui s’étend de Nice à Savone en Italie. C’est ce réseau de faille qui est responsable du séisme destructeur de 1887. Si un séisme de magnitude similaire avait lieu sur ce réseau de failles au large de Nice, il aurait forcément des conséquences dramatiques sur le littoral dont la densité de population est maintenant très élevée. Il pourrait également être la cause d’un tsunami, qui pourrait causer des victimes supplémentaires, en particulier en période estivale lorsque les plages sont bondées.
A terre, des failles sont également actives puisqu’elles génèrent régulièrement des séismes de magnitude faible à modérée (Courboulex et al, 2007). Leur tracé est moins bien connu car le phénomène d’érosion, plus intense sur les zones émergées, a tendance à masquer les indices d’activité récente. Un séisme à terre pourrait avoir des conséquences plus fortes dans la zone épicentrale qu’un séisme en mer, en particulier si son hypocentre (zone d’initiation de la rupture en profondeur) est superficiel (dans les 5 premiers kilomètres de la croûte terrestre) et localisé sous des zones habitées. Cela a été le cas en Italie centrale en 2016 où le village d’Amatrice a été dévasté par un séisme de magnitude 6.1 qui a causé la mort de 298 personnes en quelques secondes à cause de l’effondrement de leur maison.
Les causes géologiques et les failles actives à l’origine des séismes dans notre région perdurent sur des dizaines de milliers d’années et plus. Par conséquent, les causes des séismes historiques destructeurs qu’a connus notre région sont toujours bien présentes et conduiront inéluctablement à de nouveaux séismes potentiellement destructeurs dans le futur. Par contre, l’état des connaissances et les modèles actuels ne permettent pas de prédire avec précision quand et où auront lieu les prochains séismes.
Comment cet aléa sismique est pris en compte : A partir des informations sur les séismes historiques et la sismicité actuelle enregistrée par les réseaux, il est possible de calculer des cartes d’aléa sismique probabilistes. Ces cartes indiquent la valeur d’accélération du sol qui a une probabilité de 10% d’être dépassée dans une période de temps donnée (50 ans pour la réglementation nationale concernant les bâtiments courants). C’est ce calcul probabiliste qui permet de construire une carte réglementaire indiquant dans chaque zone les sollicitations sismiques à prendre en compte pour les constructions neuves (Figure 2).
Nice est dans la zone de niveau 4 (qualifiée de moyenne) c’est-à-dire la plus forte en France métropolitaine (le niveau 5, fort, est atteint aux Antilles). La réglementation parasismique tient également compte des effets de site liés à la géologie des terrains superficiels en adaptant le dimensionnement des constructions à ces effets. Les plans de prévention des risques (PPRs) permettent de modifier l’aléa sismique à prendre en compte en adaptant la réglementation aux conditions géologiques et topographiques locales. Pour cela ces plans se basent sur des études de microzonage sismique.
Des études menées depuis une vingtaine d’années par le CEREMA dans la ville de Nice (Duval el al., 2013) ont permis d’établir un microzonage sismique et un PPRs qui a été approuvé par le préfet des Alpes Maritimes le 28 janvier 2019. Nice est ainsi la première grande métropole française dotée d’un microzonage.
Ce dispositif permet de minimiser les pertes en cas de séisme fort pour les bâtiments récents qui respectent les normes de construction. Cependant, les bâtiments d’habitation courante construits avant 1997 ne suivent aucune norme parasismique, ce qui représente 70 % à 80% du parc immobilier de Nice.
Conclusion
La Côte d’Azur subira dans le futur un séisme capable de provoquer des destructions. Il n’est pour le moment pas possible de prévoir quand, ni sur quelle faille ce séisme aura lieu. Il est donc indispensable de conforter les structures et réseaux afin de limiter les dégâts matériels et humains. Il est également indispensable de sensibiliser les citoyens, les pouvoirs publics et les entreprises privées de l’urgence d’agir avant qu’il ne soit trop tard. Il est en outre important de continuer à soutenir la recherche scientifique et les moyens d’observation qui permettent progressivement de mieux comprendre les phénomènes et de réduire les incertitudes dans les calculs d’impact des tremblements de terre.
Auteurs :
Françoise Courboulex 1, Bertrand Delouis 1, Christophe Larroque 1, Anne Deschamps 1, Etienne Bertrand 2
1. Université Côte d'Azur, CNRS, Observatoire de la Côte d'Azur, IRD, Géoazur
2. CEREMA, Equipe MouvGs, Sophia Antipolis
Mars 2019
Bibliographie citée
Courboulex, F., Larroque, C., Deschamps, A., Kohrs-Sansorny, C., Gélis, C., Got, J.L., Charreau, J., Stéphan, J.F., Béthoux, N., Virieux, J. & Brunel, D. (2007). Seismic hazard on the French Riviera: observations, interpretations and simulations. Geophysical Journal International, 170(1), pp.387-400.
Duval, A. M., Bertrand, E., Vidal, S. & Delgado, J. (2013). Détection des effets de site sismiques: mise au point de méthodes expérimentales et application à Nice. Bulletin du laboratoire des ponts et Chaussées n 279.
Larroque, C., Béthoux, N., Calais, E., Courboulex, F., Deschamps, A., Déverchère, J. et al. (2001). Active and recent deformation at the Southern Alps-Ligurian basin junction. Geologie en Mijnbouw, 80(3/4), pp.255-272.
Larroque C., Scotti, O., & Ioualalen, M. (2012). Reappraisal of the 1887 Ligurian earthquake (western Mediterranean) from macroseismicity, active tectonics and tsunami modelling. Geophysical Journal International, 190(1), 87-104.
Larroque, C., de Lépinay, B. M., & Migeon, S. (2011). Morphotectonic and fault–earthquake relationships along the northern Ligurian margin (western Mediterranean) based on high resolution, multibeam bathymetry and multichannel seismic-reflection profiles. Marine Geophysical Research, 32(1-2), 163-179.