Depuis de nombreuses années la séparation des continents et l’ouverture des océans est décrite comme étant contrôlée soit par les mouvements des plaques tectoniques en surface, soit par l’impact du manteau sous celles-ci. S’il est aujourd’hui relativement aisé de modéliser le mouvement des plaques en deux dimensions (2D), la réalité en 3D reste plus complexe. En effet à la surface de la Terre les plaques se déplacent non pas par translation simple mais en rotation autour d’un pôle (Figure 1). Les forces qui s’appliquent alors varient dans les trois dimensions de l’espace et la modélisation en 2D ne suffit plus. Des chercheurs australiens et français viennent de mettre en évidence que le rôle du manteau est plus important que celui du mouvement des plaques en surface. Ils ont réussi à modéliser ce processus en 3D et à quantifier la magnitude de ces forces.
Cette découverte parue dans la revue Geology du mois de février 2018 a également été mise à la une dans ce même journal.
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Figure 1 : (Gauche) Principe de rotation des plaques sur Terre illustrant la propagation d’une zone d’ouverture (rift, puis océan) vers son pôle de rotation lors de la séparation de deux masses continentales. (Droite) Vue en perspective du modèle rotationnel illustrant la géométrie des structures acquises lors de la séparation des masses continentales puis l’ouverture des océans. Le pôle de rotation est situé au nord du modèle. Seulement une moitié de la croûte (en nuances de gris) est représentée à la surface (partie droite) afin de visualiser la remontée du manteau. Notez la remontée d’un dôme de manteau asthénosphérique (en rouge) qui a migré le long de l’axe d’ouverture, vers le pôle de rotation.
En limite de plaque, on distingue classiquement trois grands régimes de déformation : en extension, en compression ou en décrochement, que l’on associe généralement avec un contexte géodynamique donné. Les travaux ici publiés ont suggéré que le régime de contraintes et donc de déformation peuvent coexister et se succéder à la fois dans l’espace et dans le temps. Dans les faits, on observe que lors de l’ouverture d’un nouvel océan, la marge continentale globalement en extension peut présenter des zones spécifiquement en compression ou en décrochement, qui migrent le long de l’axe de propagation au cours du temps, compliquant ainsi l’interprétation des données géologiques
Leur modèle, basé sur une méthode de calculs intensifs utilisées couramment dans l’étude de la convection dans le manteau, leur permet de tenir compte de variation des forces le long de l’axe de l’ouverture : la compétition entre la remontée du manteau chaud et la propagation de la zone de séparation cause un déplacement latéral du manteau asthénosphérique vers le pôle d’ouverture ( Figure 2).
Figure 2 : Comparaison entre observations (A) et résultats du modèle (B,C).
A : Carte bathymétrique illustrant l’ouverture en rotation du bassin du Woodlark (Papouasie-Nouvelle Guinée).
Les ballons de volley représentent les séismes peu profonds enregistrés dans cette région et sont colorés en fonction du régime de contrainte associé à chaque rupture : rouge = compression, bleu = extension, vert = décrochement. La ligne discontinue rouge marque la position de la dorsale médio-océanique, parallèle à l’axe de propagation de l’ouverture du bassin du Woodlark.
B : Bathymétrie extraite du modèle d’ouverture en rotation après environ 6 millions d’années.
C : Carte du régime de contrainte prédit à la surface du modèle lors de la séparation de deux plaques continentales en contexte d’ouverture en rotation. La propagation de l’ouverture du domaine océanique vers son pôle de rotation (situé en dehors du modèle) induit un partitionnement des contraintes illustré par la distribution de zones en compression = rouge, extension = bleu et décrochement = vert.
Ces résultats apportent un éclairage nouveau à l’interprétation classique des mouvements des plaques et de la formation des marges passives à partir d’observations géophysiques, comme la sismique marine, en tenant compte de la nature tridimensionnelle du globe terrestre.
Contact Géoazur (Université Côte d’Azur, CNRS, OCA, IRD):
Guillaume Duclaux
guillaume.duclaux@geoazur.unice.fr
Tél : 04 83 61 85 11
Contact Université de Sydney :
Luke Mondy :
luke.mondy@sydney.edu.au
Références:
Luke S. Mondy, Patrice F. Rey, Guillaume Duclaux, Louis Moresi (2018); The role of asthenospheric flow during rift propagation and breakup. Geology ; 46 (2): 103–106. https://doi.org/10.1130/G39674.1
Référence du Research focus dans Geology
Sascha Brune (2018); Forces within continental and oceanic rifts: Numerical modelling elucidates the impact of asthenospheric flow on surface stress. Geology ; 46 (2): 191–192.
Article écrit par Guillaume Duclaux et Corinne Nicolas-Cabane
Information parue dans :
EGU Blog du 28 février 2018
UNANewsletter du 22 mars 2018